Voici à quoi ressemble la réconciliation économique

Susan Nerberg, The Globe and Mail

octobre 31, 2023

Les populations autochtones sont exclues de l’économie canadienne depuis trop longtemps. Mais notre croissance future, et même notre capacité à atteindre les objectifs de zéro émission d’ici à 2050, dépendent de la modification de cette situation.

Wayne McQuabbie, chef de la Première nation de Henvey Inlet à Pickerel (Ontario). Nigig Power Corp. Première nation de Henvey Inlet (Pickerel, Ont.)

Le chef Wayne McQuabbie de la Première nation de Henvey Inlet à Pickerel, en Ontario. Nigig Power Corp. Première nation de Henvey Inlet (Pickerel, Ont.)

Projet : Henvey Inlet Wind – La plus grande installation éolienne dans une réserve au Canada

Le territoire

Balayée par le vent d’ouest dominant, la Première nation de Henvey Inlet est située sur la rive nord-est de la baie Georgienne. Il y a plus de dix ans, les membres de la bande et le conseil municipal ont commencé à considérer cette brise comme une ressource potentielle et une source de revenus susceptible de sortir la nation de la pauvreté. Mais l’idée n’a véritablement fait son chemin qu’à l’issue d’une réunion des chefs de région en 2008, au cours de laquelle Paul Boreham, président de la société d’énergie éolienne 401 Energy, a été invité à prendre la parole. M. Boreham, dont le modèle d’entreprise privilégie une participation de 51 % des partenaires locaux (principalement des agriculteurs du sud de l’Ontario), a exhorté les Premières nations à rechercher des partenariats à parts égales. « J’étais intrigué », déclare le chef Wayne McQuabbie. « C’est là que tout a commencé ».

Faire du 50-50

Lorsque le conseil de bande de Henvey Inlet s’est mis à la recherche de partenaires, la seule solution était une participation au capital à hauteur de 50 %. À un moment donné, trois entreprises ont été présélectionnées, mais M. McQuabbie affirme qu’aucune d’entre elles ne convenait. Il a demandé à Ken Noble, alors PDG de Nigig Power, de s’attaquer aux plus grands promoteurs d’énergies renouvelables au monde. « Nous avons organisé une sorte de concours de beauté », explique-t-il. Le lauréat est Pattern Energy, qui a des projets d’énergie renouvelable en Amérique du Nord et dans les Caraïbes. Henvey Inlet s’est assuré que son partenaire respecterait les droits inhérents et issus de traités de la nation, y compris la chasse et la cueillette. Elle a obtenu un partenaire qui lui a également donné un droit de veto sur tout ce qui concerne les terres, comme la sauvegarde des sites patrimoniaux, de l’habitat et des espèces en péril, et qui a participé au pow-wow de la communauté et au tournoi de pêche des jeunes. Pattern a même contribué, avec l’Autorité financière des Premières nations, à l’obtention d’un financement provisoire (90 % de financement, 10 % d’acompte). « Ce type d’accord était inédit », explique M. McQuabbie. Mais ce n’est pas impossible : « Faites preuve de diligence et n’abandonnez jamais », conseille-t-il aux autres communautés autochtones. L’accord avec Pattern a été signé en 2014 ; les pales des 87 éoliennes du projet ont commencé à tourner en octobre 2019.

L’effet d’aubaine

Produisant 300 mégawatts d’électricité, les turbines de 132 mètres de haut sont connectées au réseau, ce qui permet à 100 000 foyers de continuer à s’éclairer. En vertu d’un contrat de 20 ans conclu avec l’Independent Electricity System Operator de la province, la bande perçoit des revenus annuels d’environ 20 millions de dollars, provenant à la fois de la production d’électricité (le montant varie en fonction des conditions de vent) et des frais de location de la ligne de transport d’électricité qui traverse ses terres. Au plus fort de la construction, quelque 1 000 personnes ont travaillé sur le projet, dont un tiers de citoyens des Premières nations ; 25 millions de dollars de contrats ont été attribués à des entreprises autochtones locales. Bien que le projet achevé ne nécessite que 20 employés pour sa maintenance, les revenus qu’il génère ont changé la vie de la nation, grâce à l’amélioration des infrastructures dans la réserve, notamment de nouveaux logements, une nouvelle route d’accès et un nouveau bâtiment cérémoniel, ainsi qu’à la création d’emplois. Les Premières nations voisines reçoivent également des redevances de location pour la partie de la ligne de transmission de 104 kilomètres située sur leurs territoires traditionnels.

La majorité des recettes est versée à un fonds fiduciaire, géré par la Banque des Premières Nations, pour les générations futures. « Mais nos membres reçoivent également des distributions trimestrielles de la fiducie. Il ne s’agit pas de s’enrichir, mais d’améliorer la qualité de vie », précise M. McQuabbie. S’il n’est pas prêt à évoquer d’autres initiatives majeures – planifications rendues possibles grâce aux revenus du projet éolien -, il affirme que la nation est en pourparlers avec Pattern sur de futurs projets générateurs de revenus. « Nous voyons aujourd’hui les fruits de notre travail. Nous sommes en mesure de faire plus pour nos membres », déclare M. McQuabbie, ajoutant qu’avant le projet éolien, les seuls revenus de la nation provenaient de la location de chalets et de financements publics. « Nous avons fini de nous occuper de la pauvreté.

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